PUBLICATION
L’Architecture d’Aujourd’hui N°403_Nov. 2014
En Flandre, les espaces bâtis sont de plus en plus nombreux. À tel point qu’une vue du ciel montre une imbrication ininterrompue de villes et de villages d’une frontière à l’autre.
Dans l’ambiance politique actuelle où les Wallons se sentent meurtris, à tort et à raison, l’information ne pouvait qu’être relayée par l’ensemble de la presse belge francophone : la Flandre perd six hectares par jour. Actuellement, 19 % de l’espace flamand est bâti contre 11,6 % en 1985. Encore nombreux il y a 25 ans, les grands espaces inhabités de plus de 1.000 hectares sont en voie de disparition. La politique anti-immigration pourrait y voir de nouvelles raisons de justifier son affermissement arguant que les « étrangers » envahissent le territoire. Or, c’est du côté des « vrais » flamands qu’il faut chercher les responsables. Le Belge est réputé pour avoir « une brique dans le ventre » ; il est particulièrement féru de villas, ces maisons quatre façades entourées d’un jardin clôturé, dont une voie minérale relie le garage à la route. Alignées le long des routes de campagne, elles s’érigent selon des normes urbanistiques visant « l’intégration » dans le paysage et non, en fonction d’une optimisation de l’orientation solaire. Or, une villa, du fait de ses cinq façades, exige une isolation plus importante. Un atterrissage à l’aéroport de Zaventem révèle également la présence d’une multitude de petits rectangles bleu piscine à l’arrière de ces maisons que le climat belge est pourtant loin de justifier. Ceci n’est pas sans répercussion sur notre environnement, car plus on couvre artificiellement le sol, plus celui-ci devient imperméable et présente un risque accru d’inondation. Le réchauffement climatique y contribue à son tour par l’augmentation des précipitations et du niveau de la mer, risque que la Flandre espère pallier en renforçant ses digues et en planifiant des zones inondables (encore vierges) en cas de débordement.
Pourtant, en 2006, le projet du Pavillon belge pour la Biennale d’architecture de Venise soulignait la tendance et la voie de garage vers laquelle nous fonçons tant au Nord qu’au Sud. Cernée de hauts murs et éclairée d’une lumière blanchâtre, une immense vue du ciel de l’ensemble du pays couvrait d’un tapis moucheté le sol du pavillon. Le visiteur pouvait l’arpenter, s’y plonger à l’infini. D’un abord ludique, la carte s’avérait rapidement un rhizome gigantesque où se perdre malgré les repères les plus significatifs. Tels des minis-Lego noirs jetés au sol, les habitations s’étendaient le long de l’incroyable réseau auto-routier qui dessert le Royaume, effaçant toutes limites ou distinctions entre communes et villes. Et rien qu’à s’y pencher, tout un chacun aurait pu prévoir ce que le belge vient de découvrir avec effarement : au dernier rapport WWF, la Belgique est devenue le second pays européen a avoir l’empreinte écologique la plus élevée par habitant, et le cinquième sur l’échelle mondiale… quatre places avant les Etats-Unis et bien devant la Chine. (F.M.)